Je suis arrivé avec mes caissons de basses, une guitare dans
le dos, les doigts prolongés d’amour essayant de fuir la guerre ou la prison
quand un matin mes mains se sont retrouvées autour d’un cou dans un parking
souterrain, l’horreur au plus profond de mes yeux la haine au bord des lèvres,
il fallait que je parte, que je reprenne contact avec la nature, que je fuisse
le bruit. Mais qu’est-ce qui arrive à nos campagnes bordel, j’ai fui et tout ce
je fuis me poursuit. Déjà le 7ème cadavre que j’essaie d’enterrer
dans le fond de mon jardin. Dans cet exil j’y avais vu des notes douces, des
balades musicales, des nuits blanches à contempler la lune et les étoiles, une
inspiration romantique et je voyais mon cahier posé sur des poésies
disneylisées ou baudelairisées ou des putes assises dans le creux de mes mains
mais surtout j’y ai cru. Mais au bout de vingt années l’exil tourne au
cauchemar, les putes ont disparues pour laisser place à des fils de putes qui
ne comprennent pas que s’assoir autour d’un feu ne nécessite pas de souffler
sur les braises, que le respect de son voisin ne consiste pas seulement à lui
faire un signe de tête le matin au bout de son allée de garage, mais que la
fraternité d’un lendemain se passe aussi au fond du jardin dans l’échange d’un
travail bien accompli, dans la quiétude d’une sieste au milieu des chants d’oiseaux.
Les campagnes étaient remplies de vieux rabougris qui s’automutilaient avec des
histoires ancestrales de coucheries paternelles avec les voisines, remplies de
vieux et de vieilles qui regardaient derrière les rideaux mais qui un dimanche
matin déboulaient chez moi avec un plat qui s’appelait « on en a fait
beaucoup trop pour nous ». Vingt ans plus tard ces vieux sont
vraiment devenus très vieux mais surtout très très cons, les jeunes qui
arrivent depuis vingt ans dans ces maisons arrachent les rideaux et gueulent
comme des truies après leur mioche, parlent fort la nuit, tapagent et couvrent
le chant de mes oiseaux le jour, polluent avec un autocollant « non au
nucléaire » collé sur leur 4x4 diesel. Mais que sont devenues nos
campagnes ? J’ai repris ma guitare sur le dos, je poétise mes pensées afin
d’éviter de repartir en prison, j’essaie à nouveau de fuir mais mes couilles
sont attachées sur un lit de fric recouvert de béton et de tuiles. Ma guitare
est désaccordée, les notes ne sont plus vertes mais rouge sang. Les mains sur
le manche je ferme les yeux et attends le train assis sur la voie….putain de
chienne de vie, même les trains ne passent plus dans nos campagnes.
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