Bah voilà, vendredi seize novembre deux mille dix-huit c’est fait mon
minot a quitté ma maison définitivement. Ne me demande pas dans quel
état psy je me retrouve, je n’ai pas de mots appropriés, ne me demande
pas si je pleure ou si je suis content, je ne le sais même pas. Je viens
de passer plus de quatre-vingt-dix heures en sept jours dans son
nouveau chez lui pour faire de cet endroit le plus bel endroit que je
lui dois. Ouai car je lui dois au moins ça. Maintenant presque vingt et
un ans que je veille sur lui, et d’un coup plus aucun contrôle. Ne me
demande jamais ce que j’en pense, JAMAIS !!! Il est parti sans
cérémonie, je ne voyais pas cela comme ça, je pensais qu’il y aurait le
dernier repas en famille, je pensais qu’il y aurait les dernières
paroles devant la télé, je pensais qu’il y aurait les dernières blagues,
je pensais qu’il y aurait les derniers fous rires, mais non, il est
parti sans dire au revoir, il est parti d’un coup entre deux cartons
placés dans le cul du panzer. Mais je lui devais du temps, je lui devais
de faire un restant de ma vie le dernier échange vivant. Car si je
remonte toutes les années une par une, j’ai eu un fils formidable, pas
de drogues, pas de folies, pas de prises de têtes ingérables, j’ai eu le
fils que tout le monde rêve d’avoir. Ohh quelques coups de gueule et
quelques tartes dans sa gueule mais j’ai le sentiment d’avoir réussi
quelque chose de bien, j’ai le sentiment d’avoir fait quelque chose de
bien, j’ai le sentiment d’avoir donné vie à une belle vie, à une belle
personne. Alors j’ai passé ces sept jours le kiki tout serré, j’ai
pleuré tous les jours, mais j’ai fait ce que je devais faire et je ne
regarderai plus en arrière. Pourtant je pense à toutes ces journées à
taper le ballon dans notre jardin, je pense à ces soirées interminables
quand il faisait du judo, je pense à ses premiers cours de guitare avec
cette prof déjantée, je pense à ces prises de têtes pour faire les
devoirs de maths, je pense aux gyrophares des pompiers quand il est
tombé d’un mur de deux mètres de haut tout disloqué, je pense à sa voix
et ses phrases sur le bord d’une plage de l’île d’Oléron, je pense à
lui quand il coursait mon premier chien Lucky dans le couloir, je pense à
ses longues discussions avec les gens quand il était assis dans le
caddie dans un magasin alors qu’il n’avait que deux ans, je pense à lui
tout le temps depuis plus de vingt ans. J’ai quitté son appart avec mes
godasses et mon jean troué sous le bras de la peinture plein les mains,
j’ai fermé la porte et je suis parti courbé jusqu’au panzer rempli de
cartons vides. J’ai mis plus de dix minutes avant de démarrer les mains
posées sur le volant les larmes le long des joues. Voilà c’est fini, il
ne regardera plus les séries télé avec nous, il n’essuiera plus la
vaisselle, il ne laissera plus trainer ses fringues dans sa piaule, il
ne nous fera plus la bise le matin ni le soir, il n’est plus là, il est
chez lui, il va enfin vivre sans nous, il est enfin libre…ou presque…
Allez mon fils porte toi bien, fais de ta vie un festival, ne laisse pas
les autres te détruire, sois fort et surtout ne nous oublie pas !!!
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