Créer, créer, toujours créer. Secrètement j’avais espéré ne
plus avoir de pensées, ne plus penser à tous ces mots, juste pour ne plus
partir dans cette dépression qui m’aspire vers le bas, toujours. Il faut penser
à demain. Alors je me réfugie avec mes bouts de bois, mes bouts de ferrailles,
mes mains abîmées, pour oublier dans ce bloc de béton sans fenêtres, et je
crie, construis, jusqu’à tomber. Mais rien qui puisse s’inscrire dans l’éternité,
rien qui puisse franchir les portes de ce putain de garage.
La musique comme la lave m’a habillé depuis longtemps d’un
habit léger qui ne permet pas non plus d’aller dehors, il fait si froid. Mes
chiens sont restés à côté de moi, sans rien demander, juste partager cette
passion devant cet ampli perdu. En espérant.
Et la nation fut effrayée quand ma fée et moi sommes allés
dans ce pays lointain, irréel, chercher notre ange. Et là encore dans un
murmure, dans l’espoir qu’il ne sorte jamais à l’air libre, j’ai créé, créé et
encore créé pour ne jamais m’arrêter. Des piqûres dans le ventre de sa mère,
avec des si, mais pas seulement. Et alors la musique est vite apparue comme
essentielle à sa vie, plus qu’un ballon à la con ou un kimono trop grand.
Et le voir ouvrir des yeux pétanquestes à l’écoute d’une
chanson qu’on lui a injectée dans ce ventre gonflé d’inconnus. Les injections
ont continué longtemps, à l’abri des regards voyeurs, à l’abri des paillettes,
à l’abri de la haine. Et à cette minute, dans un cri de larme, là assis sur
cette caisse en bois, au tréfonds de mon être dans le cul de ce bloc de béton
hermétique, j’hurle ma douleur, ma peur, je vomis sur les murs…. Crève-moi les
yeux… je vomis sur mes pieds putain. Je suis allé trop loin, les piqûres
étaient trop fréquentes, il était trop tôt, trop mal dosées. De cette vie
triste ordinaire a jailli l’irréel, l’eau en plein désert et je flippe. Le
petit homme qui parlait aux coquillages et gueulait après les vagues parce qu’elles
lui piquaient ses coquillages, celui qui était capable de parler pendant des
heures même pendant la sieste, mon fils ne parle plus, mon fils chante, mon
fils ne sait rien faire de ses dix doigts mais ils sont en sang sur ses guitares,
chaque jour, des heures d’entraînement à en pleurer . Et moi je n’oublie
jamais et j’ai peur d’arpenter ce chemin. Je l’avais tout là-bas espéré mais je
n’en veux plus, je n’y tiens plus, je suis dans ce bateau avec une envie de
gerber, les yeux en feu….des piqûres…. Je ne me rappelle plus des doses
putain.. J’aurai juré que les portes étaient bien fermées.
Qu’ont-ils à t’offrir Alex ? Qu’y a-t-il de mieux que
mon bloc de béton défoncé sans fenêtres ? Où veux-tu aller ? J’ai
perdu le contrôle. Ce milieu ne tournait que sur les sillons de ma vie, au fond
de mes écouteurs. Nous ne sommes que des ombres Alex, comment faire alors pour
ouvrir les portes des royaumes, pour qu’ils te voient. Je n’ai même pas eu le
temps de finir ce bulldozer dans mon garage.
J’entends les autres dirent : »il s’est fait tout
seul « Oui mais… tu sais à peine marcher.
Moi qui allait toutes les nuits dans le froid, dans le vent
casser la gueule à tes monstres et tes démons au fond de tes cauchemars, ça ira
mieux demain, je n’ai même plus de bras, plus de jambes, amputés par la peur.
Fonce mon fils, défonce la porte de ce putain de garage,
mais n’oublie jamais de regarder derrière toi.
Et quand je serai en rando dans les montagnes des Pyrénées, chahuté
par le vent, j’espère que tu viendras avec ton ampli, tes guitares, tes potos
et ta table de mixage, tes mélangeurs matriciels, tes processeurs de diffusion
et tout le reste pour foutre le bordel à se faire attaquer par les étoiles, et
que tu organiseras le plus grand festival qu’aient jamais connu les moutons de
cette Terre…. Et les aigles.
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