mercredi 29 octobre 2014

JE NE VEUX PAS MOURIR CE SOIR

Elle est arrivée dans ma vie par un soir d’été, désœuvré je cherchais à rentrer chez moi, le chemin était pourtant le même qu’hier. Perdu dans ces vêtements prêtés par l’armée française, je croyais que je montais vers la maison de mes parents alors que mes pas allaient vers l’inconnu. Je suis rentré dans cette caravane que je connaissais, je connaissais aussi le dingue qui y vivait. Lui était poissonnier, moi je faisais mon service militaire. Pourquoi étais-je dans cette caravane, pourquoi était-il aussi gentil, pourquoi il faisait pousser de la marijuana dans des jardinières, pourquoi il buvait du whisky, pourquoi je me suis assis dans ce fauteuil ? Aujourd’hui je ne sais plus, je sais juste que ce type était formidable, inconnu connu. A chaque fois que le bus me balançait dehors à cet arrêt, je fonçais dans sa caravane, nous inventions des histoires, nous inventions nos vies, nous inventions le fait d’être libre et de fumer de l’herbe. Il devenait indispensable de parler aux plants de marijuana, les botanistes le disent, il faut parler aux plantes. Je n’avais plus de salive. Et la littérature a croisé nos délires, je ne sais pas d’où ce mec était poissonnier, il avait tellement lu. Un soir où le ciel était certainement le même que la veille, il m’a donné cette guitare. Je n’avais jamais parlé de cette guitare. Mais il me l’a donné, je l’avais trop regardé, elle était donc à moi. Dans mon costume, je suis parti avec la guitare sur l’épaule. Le bus m’a éjecté le lendemain, je me suis encore perdu et je suis allé vers la caravane, personne, plus de jardinières, plus de Franck. Où es-tu ? Je ne le saurais jamais, il a décidé de disparaître et je ne l’ai jamais revu, il a planté ma vie, je n’ai jamais réussi à combler ce vide, je n’ai jamais réussi à oublier, je vis avec lui depuis toutes ces années sans le voir, Franck a disparu, sa Renault 18 turbo aussi, la caravane est vide. Alors cette guitare reste le seul lien que j’ai encore avec lui, et j’ai décidé qu’elle devait maintenant revivre, parce que j’ai envie de la toucher, j’ai envie de lui raconter cette histoire, juste pour me rappeler qu’il existe des humains sur cette terre et que rien ne peut me les faire oublier. Franck où que tu sois, tu es toujours avec moi.

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