Tout le monde le vit, quand tu rentres chez toi et que l'autre qui vit chez toi n'est pas raccord du tout avec ta vie de l'instant. En fin d'aprem je suis rentré chez moi après avoir fait les courses et ma fée était déjà chez nous, depuis toute la journée en fait, elle a fait des milliards de choses dont je n'en sais rien du tout, moi je me suis fadé une journée de boulot de merde dans un endroit que je déteste et elle était chez nous. J'étais en mode année 69 avec des fleurs dans les cheveux, en lui ramenant un bouquet de mimosas et j'ai rencontré un pittbull derrière la porte du garage.Quand ma vie ne ressemblait qu'à un single des doors sous la pluie, elle, elle avait changé de forfait internet, changé de machine à laver le linge, contacté la sécu pour un problème de remboursement, fait un mail à son enculé d'employeur parce qu'il ne lui avait pas payé la totalité de son salaire, lavé les chiottes et la salle de bains, promené le chien, demandé le remboursement d'un code avantage pour la machine à laver le linge, commandé des pizzas...Le décalage, je me suis retrouvé à expliquer à un musulman comment cuisiner une choucroute alsacienne en plein désert en racontant ma journée en fait, un putain de décalage avec des balles qui fusent dans l'air entre les tasses de thé et la toile de tente. Et dans mon couple c'est comme ça tous les jours, comme quand je descends dans mon 7ème sous-sol et que je remonte quelques heures après les yeux défoncés et les mains en sang, complétement dézingué par l'alcool, les soudures et la musique à fond et que ma fée vient de terminer son troisième cadres avec des fleurs séchées, sans musique, sans alcool, dans le calme absolu avec le zimzim couché à ses pieds avec une peluche entre ses papattes...un putain de décalage qu'il ne faut absolument pas équilibrer en deux minutes, cela demande quelques mesures d'incidences, quelques regards en coin, quelques pas de chats entre les vases en porcelaine sur une étagère cassée. Il y a des vases cassés quelques fois mais le tube de colle sort sa potion magique, de marque concession, je finis par me poser devant ses cadres de fleurs séchées, elle finit par limer ses ongles de panthère et le zimzim se demande vers qui aller avec sa peluche. Comme quand j'écris et que je pars vers des chemins abîmés, que je monte dans des bus remplis de personnages complétement tarés pour me retrouver au milieu d'une piste de cirque avec un crayon de papier HB, et que certains bus me laissent comme un con sur le trottoir et que ma mine de crayon est cassée, quand je ne sais plus du tout l'heure qu'il est et que je commence à crier, à m'arracher les cheveux de rage, la rage des écrivains lorsqu'il y a trop de mots qui arrivent en même temps au même endroit et que je n'ai que dix doigts et un cerveau, et là tu as ma fée en pyjama qui ouvre la porte du bureau en panique, il est trois heures du matin et qui lâche avec ses yeux bleus hallucinés un "mais tu dors quand en fait ?"...le décalage car je ne sais pas à l'instant qui elle est et que je mets presque deux minutes à réaliser que je ne suis plus dans cette forêt en feu assis sur le biplace de ma motobécane.Peut-être que c'est cette différence qui fait de notre couple le plus taré du monde et le plus solide. Quand il arrive ce moment où l'écriture n'a plus sa place, quand mes créations n'ont plus le pouvoir, quand ses magnifiques yeux arrêtent de mélanger les fleurs, on se retrouve souvent à se regarder droits dans les yeux, sans parler, sans bouger, sans se toucher, sans cligner les yeux, comme des statues sur une place en Russie....sans un seul rictus faciale, on rentre dans la tête de l'autre et on finit en larmes.....encore ce soir elle m'a dit que je suis un dingue, que je vais finir comme mon grand-père, en mort cérébrale au fond d'un asile avec quelques seringues plantées dans le dos. Elle m'a aussi dit qu'elle serait dans la chambre d'à côté avec les tympans percés et complétement défoncée avec des cachetons qu'elle aurait planqués dans les poches de sa blouse. Elle se souvient d'un de mes textes où je cours pieds nus dans la rue en ayant sauté de ma chambre d'asile pour la retrouver sur les escaliers de notre maison....la maladie ne nous aura pas, on crèvera ensemble main dans la main allongés sur notre lit, un cocktail de médocs et d'alcool dans le sang, le sourire aux lèvres et la musique à fond. Plus de décalage, enfin réunis pour l'éternité.
Madloonflayed©2023- Regarde vers le ciel, nous ne sommes que des étoiles filantes
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