Tu te rappelles, je ne dors que quelques heures par nuit et
cela me permet de me rappeler tous mes rêves, je viens de réussir à m’immerger
de nouveau dans celui de cette nuit et j’ai appris par ma fée que j’étais un
peu agité, alors je me suis dit que le mieux était de le coucher sur un cahier
au HB celui-là aussi.
CES ENFANTS D’HIER
J’arrive dans mon service, je suis cadre infirmier, le
responsable du secteur 4, le plus fou, le plus cruel, le plus horrible secteur.
Je marche dans ce couloir jusque la chambre de Monsieur DREYNSTEN (les noms
viennent d’être inventés, dans mon rêve il n’y avait pas de noms), et c’est l’agitation,
DREYNSTEN convulse et il faut agir vite, il faut nettoyer la trachéo, DREYNSTEN
n’a plus de jambes, il ne reste que la moitié de la poitrine, son corps s’arrête
au nombril, je demande à l’infirmier de descendre la peau du coup de DREYNSTEN,
un peu comme une chaussette que l’on enlève, tout est à vif et je nettoie cette
trachée, enlevant tout cette bouffe qui y est coincée. L’infirmier remonte la
peau du cou, on referme la fermeture, DREYNSTEN sourit….pour le moment. Je dois
prendre l’escalier pour aller au premier sous-sol sauf que l’escalier n’y va
pas, alors je reviens vers l’ascenseur, un type est en colère car je dois
descendre et lui monter, il finit par prendre les escaliers, j’arrive en bas et
il faut que je trouve l’éco-sociale…mais je ne sais toujours pas pourquoi, mon
rêve ne me le dit pas, et puis c’est qui l’éco-social, il sert à quoi. Toujours
pas de réponse à 21h05. Mon bipper me rappelle au secteur 4, Mme LAUREN vient
de chuter de son lit, elle ne va plus à la selle et cela devient compliqué, Mme
LAUREN n’a plus de tête, son corps commence au nombril et finit aux pieds, pas
de tête, pas de poitrine, juste une paire de jambes. Il faut dégager les voies,
l’infirmier est encore avec moi, on lui soulève les jambes et lui ramène au-dessus
du nombril, il faut que ça sorte quoiqu’il se passe. Je me retrouve dans ce
couloir, toutes les chambres sont au rouge, tout le personnel soignant m’attend
de partout, Monsieur GHYNOU ne supporte plus d’avoir le bras gauche à la place
du droit, je ne sais pas qui a fait ça, mais cela ne m’arrange pas, j’ai
beaucoup trop de travail pour gérer des erreurs comme celle-là. Il me faut voir
l’éco-social mais bordel dites-moi pourquoi ! Je reprends l’ascenseur mais
il monte cette fois-ci, secteur 7, Joeffrey me dit que Monsieur SAMUEL s’est
enfuit, il est forcément dans le bâtiment mais où ? SAMUEL est sorti du
secteur 4 il y a quelques jours, nous avons réussi à stabiliser le fait qu’il
avait un pied à la place du nez, surtout la prouesse était de lui faire croire
qu’il avait des jambes, car lui non plus n’avait plus de jambes. Une prouesse si
l’on veut car depuis il court partout…mais sans jambes. Un ver de terre au
milieu de l’hôpital. On le retrouvera c’est certain, comme à chaque fois. Tout
le monde hurle au secteur 4, c’est horrible tous ces cris qui proviennent des
chambres et je me réveille en sursaut, assis dans mon lit, ma fée pousse un
soupir de désolation, je me lève et finis aux toilettes, debout une main contre
le mur, complétement abasourdi, il est 2 ou 3 heures du matin, mon t-shirt est
trempé, j’ai peur et je vois SAMUEL filer vers la porte du sous-sol… Je n’ai
pas redormi.
Alors franchement j’avoue qu’au début quand j’ai compris que
je pouvais me rappeler de mes rêves j’ai adoré, ce dimanche j’ai compris que
cela devenait de plus en plus compliqué de vivre avec ça, car il y a une
semaine j’ai enterré WILLIAM vivant dans un trou de 93 centimètres de diamètre
sur 93 centimètres de profondeur et j’ai tassé la terre de mes pieds lui
écrasant les doigts qui creusaient la terre jusque que plus rien ne bouge sous
mes pieds. La pièce était humide et il n’y avait pas de fenêtres…je me suis
réveillé à moitié étouffé… Il y a quelques jours je me suis réveillé en m’arrachant
les cheveux, ma fée a été obligée d’hurler pour que je sorte de ce coma
éveillé, j’étais en train de trainer derrière mon panzer SOLENE attachée par
les mains et elle devait courir aussi vite que j’accélérais jusqu’à ce qu’elle
tombe et soit trainée sur le bitume la peau en lambeaux les os à nus griffant le
sol.
Le souci est que toutes ces images défilent toute la journée
en accéléré, en continu et je dois aller travailler, ranger des cartons et dire
bonjour à des gens, rester souriant alors que j’ai SAMUEL en fond d’écran
derrière mes pupilles qui se traine sur le sol le corps en sang dans le couloir
du secteur 4.
Je sais que je vais devenir complétement taré dans peu de
temps, les images s’accélèrent, il me reste mon crayon HB qui vient encore de
se casser, ma fée vient de comprendre que les plantes en comprimés ne me
faisaient plus rien, que l’alcool ne me fait plus rien, du moins pas aussi
longtemps que l’on voudrait, elle sait aussi que mes quelques heures de sommeil
deviennent une torture, alors avant de s’endormir elle me regarde les larmes
aux yeux et elle me demande de rester vivant encore quelques temps, le temps
que ce soit le moment de partir, quand mon corps ne pourra plus supporter toute
cette merde qui me terrorise, ma fée m’a dit ce matin qu’elle me donnerait l’autorisation
de me détruire définitivement quand elle verra que je ne sortirais plus du tout
de mes rêves…
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