J’attends le bus, debout contre ce lampadaire, madame me regarde
bizarrement, mes habits sans doute, un manteau long lourd chaud, un pantalon
jaune, plus de trente degrés sous abri ont-ils annoncé. J’attends le bus et ma
maman, elle est chez Tribarze pour acheter quelques légumes pour le dîner. J’attends ce bus mais j’attends
surtout ma maman, c’est elle qui a les tickets dans la poche avant de son petit
sac en tissus blanc. Il est tard, papa n’attends plus il est mort en début d’année,
son foie, de toute façon c’était un poivrot doublé d’un sale con, en plus il
sentait mauvais. J’attends ce bus et maman et je commence à sentir mauvais
aussi. Les habits certainement, ils annonçaient trente degrés. Un gamin blanc
se dirige vers moi et me mets un coup de pied, sa mère indignée lui ordonne d’arrêter
oh ce n’est rien laissez j’ai l’habitude…certainement les habits. Un agent des
forces de l’ordre me demande mes papiers après être passé deux fois devant moi.
Certainement mes habits… C’est maman qui a mes papiers. A genou je dois obéir à
l’agent, c’est maman qui a les papiers. Tu dois avoir chaud sale nègre me
dit-il. J’avais raison, mes habits…. Enculé d’agent je pense, ma couleur de
peau certainement. Demain je mets du rose.
Il m’avait dit 21h00 et il est 21h33 et il n’est toujours
pas là, j’attends devant ce café-concert, j’entends la musique je pense que le
concert a commencé, une maman passe devant moi et me regarde avec dégout on
dirait, certainement mes habits, ils avaient annoncé trente degrés au cœur de
la nuit, short rose et pull en laine marine. Deux types me crachent dessus, j’hésite
à riposter, il m’avait dit 21h00 et il est 21h43, certainement mes habits. Ils
reviennent à ma hauteur et m’hurlent dessus, il faut que je disparaisse selon
eux, je suis infâme impure et mal habillé, tu vois je le savais, mes habits….dans
l’ambulance je ne reviens pas, je disparais, ils me l’avaient demandé, j’étais
pédé, papa me l’avait dit, je n’étais qu’une poufiasse, il sera ravi cet enculé
de papa quand il apprendra que son fils est mort.
Et demain je m’habille comment selon toi ? C’est quoi
le « dress-code » ? C’est
comment la vie en 2018 ? Il faut que je fasse quoi pour te plaire ?
Il faut que je sois qui pour être dans les passages cloutés ? Aujourd’hui
à Paris il faut que j’enlève ma mini-jupe et que je mette une burqa juste pour
ne pas me faire lapider dans la rue devant une centaine d’enfoirés qui ne
bougeraient pas même la voix, demain je ne sortirai plus c’est ça ? A
Nancy on en parle de Nancy, c’est pareil, il suffit que je lève le ton et que
je parle comme il faut et je finis avec un couteau dans le dos. Pas le droit d’être
noir comme il faut, juste au pire un bâtard de noir qui brûle des bagnoles juste
pour un but marqué de l’équipe de France au mondial de football là ça passe.
Pas le droit d’être un homo assumé, au pire me faire tatouer des têtes de mort
pour paraitre moins folle et me bodybuildé les pecs pour ressembler à ces
enfoirés d’homophobes. Pas le droit de lever le petit doigt dans les salons de
thé, plus le droit de converser normalement à l’arrêt de bus. Bienvenu en 2018.
J’attends maman à l’arrêt de bus, un agent de police me
demande mes papiers, certainement mes habits, je lui crache à la gueule et
tente de lui mettre un quick en pleine face, réussi ma foi, en pleine face cet
enculé, il s’écroule, les badauds sont ravis, limite applaudissent, je monte
dans le bus, je suis blanc et je t’emmerde…merde j’ai oublié maman et je n’ai
pas mon ticket…..
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