S’il suffisait que l’on me pousse pour que je passe le long
de ce lac isolé, pris dans mes terreurs nocturnes, avec un torrent de boue
séché, définitivement attaché à la terre par un fil de fer invisible mais bien
solide. Je crois que je me suis endormi, ohhh juste un instant mais
suffisamment pour m’échapper et croire que j’étais ailleurs, mais le réveil n’en
est que plus dur finalement. Du coup j’ai décidé de ne dormir que quelques
minutes par-ci, quelques minutes par-là, un peu comme un chien sur un tapis de
pierres acérées, histoire de n’avoir qu’un œil lancé dans l’oubli et l’autre
dans la bataille. Plusieurs fois ma fée m’a déjà dit de ne jamais sortir la
nuit comme ça, sans raison, tout seul sans moyen de me joindre, je suis capable
de marcher des kilomètres comme un marcheur marathonien à la quête d’une
victoire sur la première marche du podium, ma vie à la campagne me permet ce
genre de trip, le risque est de rencontrer des sangliers, au pire de finir
renversé par un chauffard, mais jamais être emmerdé par un enculé qui viendrait
me taxer une clope ou un autre pour me sucer la bite pour vingt euros. Je
deviens l’être de la nuit, la nuit invisible pour tous ceux qui restent dans la
lumière des villes, trop apeurés de s’aventurer à la lueur d’une lune oméga, la
plus faible, la plus vulnérable dans la meute. C’est quasi aveugle que je pars
sur ce chemin et mes sens sont au plus forts dans le tourbillon de ma terreur. Chaque
son, chaque souffle, chaque étincelle deviennent comme une évidence, comme la
canne blanche. J’ai souvent très peur, mais jamais peur d’être où je suis,
juste peur que ma fée se réveille et constate que je ne sois plus là, oh
maintenant elle a compris, elle prie en
silence et essaie de se rendormir, je reste persuadé que de temps en temps elle
lance son bras de mon côté de lit et qu’elle soupire de désespoir en constatant
que je ne suis pas encore rentré, mais je suis toujours rentré, oh oui, pas
toujours en bon état, des fois écorché jusqu’au sang après une chute
incontrôlée, des fois terrorisé par trop de pensées, des fois apaisé, mais je
suis toujours rentré. Cette nuit j’ai frôlé ce lac, terrifiant, noir profond,
celui qui s’oppose fermement à la couleur, j’ai senti son attirance à me noyer
solitaire, j’ai tapoté du pied sa surface suspendue dans l’éternité immobile, j’ai
suivi son ellipse naturelle une fois, deux fois et je suis parti écœuré, j’avais
vraiment envie de le traverser debout en marchant sous l’eau sans respirer, j’en
ai même pas eu les couilles. Alors oui je ne rentre pas tout le temps intact de
mes virées nocturnes. Il me semble que ma fée m’a dit un jour qu’elle pourrait
me quitter à cause de mes dangereuses sorties, qu’elle ne supporte plus de s’inquiéter
comme la femme d’un pilote de Formule 1 qui prendrait le départ avec quatre
grammes, mais finalement quand je lui raconte l’histoire de Schumi elle me
regarde avec la tête de Bambi devant le corps froid de sa maman, désespérée.
Mais avec l’alcool c’est un des seuls moyens que j’ai trouvé pour me détruire
rapidement. Les deux combinés restent une expérimentation que je répète
plusieurs fois avant de déposer le brevet. Ce soir en repartant de ce lac il y
avait ce renard qui me suivait, de très loin, nous nous sommes fait un signe de
la main et il m’a crié « salut mon loup » j’ai répondu « salut
mon renard ». Finalement c’était bien, une belle balade nocturne….
Emmanuel MINI – 09/06/2018- (yo ça fait trop classe de
signer genre en mode artiste triste…ha ha ha ha et ha ha aussi)
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