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Salut ça va ?
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Oui ça va bien et toi ?
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Ça va !
Mensonge !!! Plusieurs fois
par jour, toute ta vie. Non ça ne va pas
mais franchement ça te ferai chier de savoir pourquoi. Vérité !!! Mais
alors pourquoi ? Tous ces hommes influents qui bâtissent un empire sur un mensonge,
c’est ouf. Les politiques sont des gourous et manipulent des millions de
personnes sur un mensonge. J’essaierai bien mais si il y a dix tarés qui me
suivent ce sera déjà bien… Le mensonge, cette terrible arme, comment vivre avec
ça hein, comment. Ce matin je me lève, je réfléchi et pars travailler. Ma fée
est aussi dans le déni, alors nous marchons main dans la main jusqu’au garage,
enfourchons nos chevaux, ce matin encore nous ne lui dirons rien. La journée se
passera avec les mêmes sourires, les mêmes phrases que ceux de la semaine
dernière et des autres semaines déjà passées. Pourtant il grandi, pourtant il a
sa vie qui s’éclaire comme un néon graphique, il a maintenant dix-huit ans
peut-être qu’il sait, peut-être pas. Dans le mensonge il faut que nous allions
jusqu’au bout, nous ne pouvons plus faire demi-tour, tout cracher sur la terre
et le laisser vivre avec ça, avec la vérité. Il est de bonne humeur ce matin,
nous le reverrons que le soir, et puis demain matin…Le mensonge est difficile
le soir, quand il est là avec nous, autour de cette table de la cuisine qui
supporte ses coudes tous les jours, il ne fait même plus attention à la chaise
sur laquelle il est assis, aux couverts bien posés sur la table, il ne nous
regarde pas plus que ces équipements du repas, nous mangeons et c’est bien,
nous affichons la même humeur, nous essayons de rire, de râler aussi, nous
essayons de faire semblant. Quand il en parle nous affichons un rapide
étonnement sa mère et moi, nous nous regardons, nous faisons corps pour
répondre encore et encore avec de fausses phrases rassurantes. Nous redoutons
qu’il ne nous croit plus, il pose de plus en plus de questions, il se rapproche
et nous sommes impuissants, nous n’avons que la parole, que des mots. Quand il
sort avec ses copains, je me retrouve avec ma fée assis tous les deux dans la
cuisine, figés comme dans du marbre, impossible de se parler, la vérité nous la
connaissons mais nous préférons nous mentir aussi. De toute façon nous ne
pouvons plus rien faire, en parler sans cesse va nous rendre complétement
dingues, nous ne pourrons pas oublier le moment où le téléphone a sonné pour
nous l’annoncer. Nous sommes condamnés à entendre cette voix perpétuellement
dans nos têtes, mais nous devons continuer à vivre, pour lui, rien que pour lui.
J’ai si peur de le lui dire, je suis un lâche, j’extrais ces paroles de ma
bouche et hurle dans les bois, dans mon marijuanas break, je vais perdre un
jour pied, je n’arrive déjà plus à remonter la descente, il faut que je garde
allure humaine pourtant, il ne faut pas que je perde du poids sinon il le verra
et m’interrogera. Je suis son père et je dois être plus fort que moi, que ça.
Je veux qu’il le découvre tout seul, mais je ne le veux pas. Que fera-t-il une
fois qu’il le saura ? J’ai peur qu’il fasse une bêtise, nous avons déjà
perdu l’espoir en la vie, nous ne pouvons pas le perdre, jamais, jamais,
jamais. Le soir vient de s’arracher du jour, nous revoilà dans la cuisine
autour de cette table, le mensonge est de plus en plus dur à dissimuler, je
suis terrorisé, je sens que je perds le contrôle, j’ai des larmes qui s’échappent
sans aucune possibilité de les dissimuler, impossible de regarder sa mère, je
sais qu’elle va craquer elle aussi, son regard se balade de plus en plus vite
sur nous deux, il interroge du regard dès que je lève un peu les yeux, je tente
de sourire, il regarde sa mère qui se lève d’un bond et part dans le couloir,
la porte de la salle de bains se ferme, il m’interroge encore du regard, c’est
insoutenable, je me redresse et fais semblant de manger, je mets bien les
aliments dans ma bouche mais je n’arrive pas à avaler, je vais m’étouffer, c’est
bien ça, ce serait bien ça, m’étouffer. Il prend son menton dans sa main droite
et me regarde, il me fait un signe de tête genre »alors ? », je
baisse les yeux, je pleure maintenant, il se lève, viens s’assoir à côté de
moi, m’oblige à le regarder et me dit : »non ce n’est pas possible, dis-moi
que ce n’est pas vrai, je t’en supplie papa ne me dis pas que…. » Je le
prends dans mes bras et je le serre fort contre moi, j’essaie de retrouver mon
souffle et je lui dis : »je suis désolé, je suis tellement désolé, on
ne pouvait pas te le dire, on ne…. » Je n’ai pas eu le temps de finir ma
phrase, il a renversé sa chaise en pleurant, la porte d’entrée claque tellement
fort, je m’effondre sur le sol, tétanisé, j’entends sa mère hurler de chagrin
dans la salle de bains…. Nous venons de dire à Alex que le père Noël n’existait
pas, c’est horrible…
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