mercredi 3 juin 2015

GOOD VIBRATIONS

La prof de français de mon Alex leur a dit en classe qu’il fallait souffrir pour écrire, Baudelaire en hologramme dans la salle, et elle dit vrai et pour une fois que je suis d’accord avec une idée de prof il serait utile de le noter sur le calendrier. Je suis en mode cool attitude depuis quelque temps, positif à en verser des larmes de joie, genre ma voiture tombe en panne sur un parking je ne ressens aucune colère, d’habitude j’aurais arraché le tableau de bord dans une violence incroyable, mais là rien. Pas même déchiré la feuille de l’électrocardiogramme. Pulsations d’un sportif au repos, inouï. Tout passe, même mon Alex qui terroriste son avenir avec des notes catastrophiques n’arrive plus à m’énerver. C’est normal. (T’inquiète fils, ça va vite revenir et te sauter à la tronche). Je suis même allé à un concert de reggae, j’aime bien mais un concert de 4 heures putain je m’interroge. Je picole moins, ouai bah sauf dimanche chez la belle-mère mais c’est comme une sorte d’abandon de soi quand j’y vais, j’ai des excuses oh ! Tu vois j’en ai perdu mon HB et mon cahier, page blanche. Je suis même devenu un fantôme à la maison, genre le type il accepte tout, pas un mot, rien, transparent, sauf que ça commence sérieusement à gonfler ma fée, celle qui me dit pourtant que je suis un pauvre taré de picoler autant, celle qui m’avait dit que je devais me calmer avant de me faire tuer dans la rue. Alors cette prof a raison, chaque texte a sa part de souffrance, ce poison que j’absorbe me détruit, ma maladie en fond de cours qui me renvoie sans cesse les douleurs dans mon corps, alors je m’arrache les tripes et j’appuis fort sur la mine de mon crayon, comme pour graver le graphite dans l’arbre, je calcifie mes phalanges à la limite de la cassure. Pourtant il y a cette douceur qui est apparue en même temps que le printemps, mais je sais qu’elle va s’enfuir et rien que d’y penser j’en bave du sang. Je veux revenir à mes 15 ans quand je me taillais la peau à la lame de cutter, quand je frappais les murs à poings nus, quand je m’obligeais à me regarder dans la glace alors que je ne pouvais pas me voir. J’ai commencé à écrire à cette époque, du sombre, du très sombre, les roses noires, la décadence, là où la drogue avait pris possession de mes pensées et avait écarté tous mes amis, où le seul refuge était ma chambre avec mon gros chien. Mais je suis devenu un type sage, adulte et con, dans le pré des moutons sans noms, alors c’était bien tenté de leur part mais je me suis enfuie au milieu de l’opération en arrachant les électrodes et les fils de cuivre qu’ils avaient plantés dans mon crâne. Et ma maladie est devenue une bénédiction car elle me rappelle souvent que je suis déjà mort mais qu’elle va me faire souffrir encore et encore. Je sais qu’elle s’amuse à réduire le calendrier et qu’à chaque mauvais délire je lui arrache quelques feuilles, mais je continue. Chaque concert par exemple est une journée de jeûne devenue médicalement obligatoire, mais je commence à adorer ça, cette souffrance oubliée l’espace d’un moment au pied d’une scène, ce creux au fond de l’estomac qui me permet de rester sans foncer aux chiottes. Bouffer me fait chier, dormir me fait chier, j’ai juste envie de baiser, de boire, de me torturer, d’écrire. Mais voilà, je suis monsieur Manu, le type lambda qui doit bosser et qui sait que rien ne sert à rien. Je veux que cette putain de vie que je suis en train de détruire puisse être comme je l’ai déjà écrit, dans la douleur, dans l’excès, dans la violence. J’adorais mes vingt ans pour cela quand je massacrais à coups de Doc’s un enculé qui me cherchait la merde, quand je bousculais les pédés à la gare pour les embrasser sur la bouche et vomir sur leur fringue juste après, quand je courais dans les rues de Metz avec les flics au cul, quand je m’arrachais la peau des poignets en essayant d’enlever leur putain de menotte, tout ça je veux que ça revienne car là je suis déjà mort, anéantis par mes excès, anéantis par ma volonté de rester vivant. Mais j’ai bon espoir car je reste ce sale taré et j’ai des soubresauts de folie qui m’agitent la nuit, je sens cette folie qui regagne et ça me fait plaisir. J’ai encore envie de taper contre les murs mais il faut que j’arrête d’écouter du reggae là, il faut que j’arrête de me flageoler avec mon attitude peace and love, il faut que j’arrête de bouffer des fruits bordel, putain merde !!!!J’ai cassé la mine de mon HB sur la dernière phrase, je reprends espoir, ouai, ouai, c’est bon ça !!! Je viens de finir ma deuxième bouteille de Chardonnay et je suis heureux et terrorisé à la fois. J’ai encore réussi à les fuir, leur lobotomie n’a pas fonctionné.

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