Ce matin je me suis réveillé comme hier, ordinaire. Tellement ordinaire que je ne me suis même pas vu. J’ai même l’impression que je suis parti de chez moi sans m’emmener, j’ai dû m’oublier. Personne ne s’en est rendu compte.
Pourtant tout avait bien commencé quelques heures plus tôt. Aux creux d’une défibrillation, les métastases écervelées s’étouffaient au fur et à mesure que je ne respirais plus. Je transphrasai avec des filoches éphémères d’art, de culture et de musique papirique. Quelques unes s’arrêtaient un instant pour ouvrir le débat et me serrer dans leurs bras. J’ai rencontré de grandes personnes, importantes, main dans la main sur ce chemin brumeux, nous délirions d’artistes, de conditions empiriques atomisées, nous inventions des spectacles de rue sous un ciel gris, bas. Personne ne m’avait oublié même quand je me suis arrêté pour pisser. J’avais certainement trop bu. J’ai même réussi à me voir dans le reflet de ce lac immense, rouge au milieu de cette nuit. Personne ne m’avait oublié, pas même moi. Nous nous sommes séparés après une fête improbable sur les toits des immeubles tous passionnés et électrisés par ce cimetière culturel. Avant de me quitter, une filoche m’a accroché le bras pour me demander d’exploser ce clavier sous mes doigts et de ne jamais m’arrêter.
J’ai cru en moi pour une fois.
Les organismes pathogènes se sont réveillés et bousculés. Quand j’ai ouvert les yeux j’étais bien en train de pisser, debout au dessus d’un océan blanc qui essayait de me crever les rétines. Ce matin en regardant au dessus de mon épaule, personne ne m’avait attendu, tout ce peuple m’avait oublié. Même au fond de la cuvette il n’y avait plus mon reflet. Mais quand nos chemins se sont-ils séparés ?
Ce matin je suis parti de chez moi, ordinaire.
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